vous présente
Une rue dans tes oreilles
Les retrouvailles
Qui sont ces deux enfants à ce point déterminés à faire la fête?
Au début, je les ai vus arriver chacun de leur bord
Et au milieu d’une foule gigantesque s’apercevoir.
Ils ont d’abord fait semblant de se chercher un peu alors
Que la gêne choisissait de tisser sa toile autour de leurs corps.
Ensuite, j’ai vu leurs mains trébucher
Quand elles se sont présentées.
J’ai vu l’adolescente lui offrir ses joues
Et le garçon s’élancer, un peu confus.
Après, je les ai vus marcher à une certaine distance
C’est pas qu’elle avait peur de lui
Non, c’est surtout pas ce que tu penses.
C’est qu’on aurait dit qu’ils se reconnaissaient
Sans pour autant se connaître.
Il y avait entre eux quelque chose comme un grand mur
Bâti par le temps et le temps avait été dur
Avec les deux enfants.
Ils ont parcouru toute la rue Saint-Denis
Malgré la canicule, malgré entre eux le grand froid.
Tout à coup, ils se sont arrêtés devant une librairie
Et leurs gestes énervés se sont rappelés qu’il était une fois.
Il était une fois où le livre derrière la vitre les avait réunis dans la nuit.
Un livre pour enfants
Un livre qui les faisait rire tellement fort
Qu’il faisait reculer les passants.
Alors, les enfants sont entrés dans la librairie
Se mettre à l’abri.
À l’intérieur, ils ont ri jusqu’à donner le mal de ventre aux libraires
Et moi, je les ai suivis.
Je les ai suivis et ils se sont parlés
D’une époque où ils vivaient ensemble tous les deux
Peut-être, je me suis dit alors qu’ils étaient de vieux amoureux ?
Non, il y avait quelque chose de plus fort dans leurs yeux
Quelque chose de même encore plus fort que l’amitié.
Durant tout l’après-midi
Je les ai vus se lancer des livres par-dessus la tête
Et se construire des barricades avec ce qu’il restait de clients.
Mais qui étaient ces deux enfants
À ce point déterminés à faire la fête ?
En début de soirée
Ils sont retournés dans la rue.
Les libraires avaient tout compris et les enfants seraient toujours les bienvenus.
En attendant, il fallait rentrer parce qu’il faut toujours rentrer.
Sur le trottoir
Les deux jeunes adultes se sont pris par la main
Et ont jeté à bout de bras dans les airs le rêve un peu fou de bientôt se revoir.
Je les ai vus repartir chacun de leur bord
Et malgré la foule gigantesque continuer pour toujours de s’apercevoir.
Ils ont fait semblant de se quitter pour de bon
Jusqu’à ce que d’un commun accord, ils se rejoignent en sautillant, sans raison.
C’est que l’amour avait choisi d’achever sa toile autour de leurs corps.
C’était son frère
C’était sa sœur
Alors, ils se sont promis de plus jamais se dire au revoir.